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EFFRACTIONS DE LUMIÈRE, UNE FENÊTRE SUR UN ROYAUME

« La photographie, disait Henri Cartier-Bresson, c’est mettre sur la même ligne de mire : la pensée, la vision et l’âme. »

Rabat, Casablanca, Marrakech, Tanger, Fès et Assilah révèlent à mes yeux autant qu’elles dissimulent. Et je poursuis une quête futile autant que précieusement intime, armé de mon inséparable petit boîtier noir Fuji XM1. Depuis 2018, ce compagnon discret m’accompagne dans mes explorations, un bâton de marche aussi efficace qu’instinctif, et exigeant pour soustraire au monde quelques fragments d’émerveillement.

Oscillant entre noir et blanc et couleur — mais noir et blanc surtout —, ces images tentent de capturer des instants suspendus : la lumière rasante d’une fin de journée, l’horizon, une silhouette, le métissage vibrant des formes, ou encore l’opaque silence des objets sertis de vitrines dans les musées où résonnent contes, mythes et récits ancestraux. Dans ces quelques fragiles fragments, je cherche à saisir la densité d’un instant, une vibration, une forme poétique en contrepoint de mon travail d’écriture. La photographie, pour moi, demeure un acte d’appropriation douce : elle me permet d’habiter des espaces, de les penser, de les traduire.

Mes influences photographiques sont nombreuses et marquent ce parcours : Martin Parr pour son ironie lumineuse, Walker Evans pour ses narrations silencieuses, William Klein pour ses audaces, et Shirin Neshat pour son exploration du sacré. À cela s’ajoute une filiation intime : mon père, photographe amateur passionné, avait fait de notre salle de bain une chambre noire. La magie de l’image se révélant lentement dans le bain chimique, la discrète et chaude lumière rouge m’accompagnent encore, et trouvèrent dans d’autres laboratoires, notamment à Addis-Abeba, de touchants échos.

Enseigner ce médium deux années durant à l’École Américaine de Dubaï, à partir du curriculum de l’International Center of Photography (ICP, New York), m’a aussi appris à regarder différemment, à voir au-delà de l’évidence : il y a dans le travail collaboratif d’atelier avec les étudiants toujours quelque chose d’enrichissant, ce X Factor, cet inconnu qui fait que les séries de clichés, aperçus, analysés, scrutés par trente paires d’yeux, donnent à voir et à croire bien autre chose que ce qu’ils avaient, initialement, voulu dire et signifier. La recherche photographique permet ce dialogue et peut devenir un puissant outil de narration personnelle et collective.

Un jour peut-être, ces inscriptions de pixels, prélevées lors de mes croisades marocaines, prendront forme dans un ouvrage plus construit. En attendant, voici, en carrousel, quelques vestiges de ces mémoires, insignifiants témoignages d’une aventure hors norme où l’image se fait autant miroir que fenêtre.